août 2014
Nouveaux et futurs moteurs Audi 3.0 V6 TDI
Les 25 ans du TDI sont l’occasion pour Audi de présenter la nouvelle génération du moteur 3.0 V6. Ce moteur est également un démonstrateur des technologies les plus récentes appliquées au diesel : FAP-SCR Euro 6 ultra-compact, injection 2000 bars, turbosuralimentation séquentielle ou capteur de pression de combustion. Le constructeur a également présenté les prochaines évolutions prévues à court et moyen termes. Une variante avec post-dépollution plus performante sera commercialisée mais c’est surtout la première application du compresseur électrique qui a retenu notre attention. La version la plus puissante des deux moteurs prototypes approche les 130 ch/litre et sa PME atteint 31,8 bars (21 bars sur le dernier 3.0 TDI mono-turbo, 13,3 bars sur le 2.5 TDI de 1989). L’emploi de ce nouveau composant développé par Valeo est fait de façon ciblée et impose une nouvelle architecture électrique.
Contenu :
- Sommaire
- Stratégie de développement des moteurs diesel
- Norme Euro 6 : évolutions de la post-dépollution
- Frottements et programmes de refroidissement
- Injection et suralimentation
- Distribution : évolutions continues
- 3.0 V6 TDI biturbo
- 3.0 V6 TDI avec compresseur électrique - 1/2
- 3.0 V6 TDI avec compresseur électrique - 2/2
- Récapitulatif des versions de la nouvelle génération du 3.0 V6 TDI
Stratégie de développement des moteurs diesel
La présentation « 25 ans de moteur TDI » a commencé par une allocution de Ulrich Hackenberg, directeur du développement technique chez AUDI AG : « Le moteur Diesel offre encore un grand potentiel d’amélioration du rendement. Nous n’optons pas véritablement pour le concept du downsizing mais plutôt pour le rightsizing ». En d’autres termes, le constructeur ne réduit pas la cylindrée unitaire mais le nombre de cylindres, bien sûr tout en augmentant la puissance spécifique.Nous retrouvons donc une stratégie industrielle également répandue chez des concurrents et qui consiste à reprendre les mêmes cotes d’alésage et course pour plusieurs moteurs. Ci-dessous, entre les quatre TDI allant d’une cylindrée de 1,4 à 4,2 litres, toutes les valeurs d’alésages sont proches et la course de 95,5 mm est commune à trois moteurs.
Norme Euro 6 : évolutions de la post-dépollution
Un des changements majeurs de la dernière génération du 3.0 TDI est son passage à la norme Euro 6. L’ensemble du système de post-dépollution, plus encombrant, est placé dès la sortie du turbocompresseur afin de bénéficier d’un maximum de chaleur (lors d’un test en cycle NEDC, les 150°C à la sortie du catalyseur à oxydation sont atteints en 2,5 minutes).
Le système de post-dépollution apparu en 2013 est extrêmement compact, d’autant qu’il n’y a pas d’autre traitement des gaz plus en aval. Dans une Audi A7, il s’insère dans une cavité du tablier s’enfonçant sous la planche de bord. Le système est composé d’un catalyseur à oxydation en céramique suivi d’un ensemble combinant le filtre à particules (FAP) et le catalyseur SCR aussi en céramique (titanate d’aluminium ou carbure de silicium). Avant de sortir du module, les gaz traversent un catalyseur de rétention ASC (Ammonia Slip Catalyst) destiné à éviter les rejets d’ammoniac en aval en décomposant ses molécules résiduelles. Cette sécurité permet d’optimiser la quantité d’AdBlue injectée et en conséquence la performance du SCR sans craindre un rejet d’ammoniac qui pourrait se présenter aux charges élevées.
L’injecteur d’AdBlue est placé dans un coude, juste en amont d’un mélangeur à ailettes. L’EGR haute pression dispose d’un échangeur à eau et d’un by-pass ; la version nord-américaine du moteur recevra un refroidisseur supplémentaire en lieu et place de la canalisation amont. Il n’y a pas d’EGR basse pression.
Le rapport volumétrique des moteurs était en baisse ces dernières années afin de limiter la production de NOx. Il a maintenant plutôt tendance à remonter avec le montage d’un catalyseur SCR, ce qui est bénéfique au rendement thermique. Par exemple, celui du 2.0 HDI de PSA a été augmenté d’un point pour atteindre 17 :1 en adoptant le système maison CATOX (catalyseur d’oxydation 2 voies, SCR et FAP additivé). Cependant, cette dernière génération Audi 3.0 TDI a vu le rapport volumétrique passer de 16,8 à 16 :1 ! Cette baisse n’est probablement pas étrangère à la petite taille du module FAP/SCR.
Une version évoluée sera bientôt introduite, motivée par la nécessité de traiter les NOx lorsque le SCR ne recevra pas de gaz assez chauds. Matthias Honzen, ingénieur développement moteurs : « Ce cas se présente lors des démarrages à froid ou lorsque le moteur n’est pas assez souvent en charge élevée, par exemple en conduite urbaine. A la place du catalyseur à oxydation, sera installé un catalyseur à piège à NOx qui fonctionne à une température inférieure de celle du SCR. Il fonctionnera en permanence mais sa capacité est limitée, c’est pour cela que les deux principes se complètent bien ». Ce nouveau catalyseur appelé NOC (NOx-Oxidation Catalyst) sera introduit dans une prochaine version de cette génération du 3.0 V6 TDI.
Frottements et programmes de refroidissement
Le bloc-cylindres est toujours coulé en fonte au graphite vermiculaire (GJV-450), matériau qui se distingue par une résistance élevée même à forte température. Par comparaison à la fonte grise (GJL), il permet de réduire l’épaisseur des parois et donc le poids.Les solutions de réductions de frottement ne sont pas différentes des dernières réalisations concurrentes : revêtement en carbone adamantin (DLC) sur les axes de piston, revêtement dur sur le premier segment, tension tangentielle des segments réduite de plus de 25 % et diamètre réduit des paliers d'arbres à cames. Audi précise que le honage des cylindres est effectué avec une plaque vissée sur le plan de joint de culasse pour simuler la tension qui sera ensuite exercée par le serrage de la culasse et qui est responsable de déformation de la cylindricité de l’ordre du micron — une technique usuelle de la préparation soignée des moteurs, notamment pour la compétition.
Le circuit de refroidissement du bloc-cylindres et celui des culasses sont séparés, une solution également de plus en plus répandue. Une électrovanne rotative isole le bloc tant qu’il n’est pas à température, ce qui permet aux fûts de cylindres et à l’huile de se réchauffer plus rapidement. La température du liquide de refroidissement est régulée jusqu’à 105 ° par cette vanne rotative et par un thermostat piloté selon une cartographie tenant compte des conditions momentanées de fonctionnement.
Le circuit des culasses alimente aussi les échangeurs de chaleur d’huile moteur, d’EGR et le radiateur d’habitacle. Le liquide de refroidissement ne circule pas en permanence lorsque la charge est faible, même si le moteur est chaud afin de réduire la puissance absorbée par la pompe à eau. De plus, les chambres d’eau des culasses sont subdivisées en une partie supérieure et une partie inférieure pour réduire les pertes de charge.
Injection et suralimentation
L’injection par rampe commune utilise des injecteurs piézoélectriques dotés de buses à 8 trous de 100 microns de diamètre. Christian Eiglmeier, responsable de la thermodynamique, apporte quelques informations : « Les injecteurs reçoivent notamment de nouvelles buses optimisées pour réduire la formation d'HC. Ils peuvent maintenant produire jusqu’à 9 injections par cycle. Les premières abaissent les bruits de combustion alors que celles suivant le jet principal réduisent la formation des particules et les dernières gèrent la température des gaz d’échappement pour le fonctionnement des catalyseurs de post-dépollution. La pression d’injection maximale est de 2000 bars. Une prochaine génération montera à 2500 bars et nous travaillons déjà sur une version à 2700 bars. Je peux vous dire aussi que le moteur de l’Audi R18 e-tron quattro qui a gagné les 24 Heures du Mans cette année acceptait 3000 bars ».Un turbocompresseur à géométrie variable (TGV) tournant jusqu’à plus 200’000 tr/min pourvoit une pression de suralimentation absolue de 3,2 bars alors qu’elle n’était qu’à 2,3 bars pour le moteur de 2002. Cette augmentation de pression de suralimentation permet à la fois d'accroître la puissance et de réduire les émissions polluantes. Pour l’anecdote, cette pression atteignait 4 bars sur l’Audi R18 e-tron quattro.
La pression de combustion monte à 200 bars. Tous les 3.0 V6 TDI utilisent un capteur de pression de combustion qui permet d’augmenter le taux d’EGR à la limite de l’inflammabilité. Il est aussi utilisé pour corriger des paramètres en fonction de la qualité du gazole. Christian Eiglmeier : « Un seul capteur est suffisant, car son emploi sur tous les cylindres n’apporterait pas un avantage fondamental. Nous le montons sur le cylindre qui présente des caractéristiques de combustion dans la moyenne du moteur ».
Distribution : évolutions continues
Dans sa recherche de réduction de poids et d’encombrement, Audi semble faire évoluer en permanence l’entraînement de distribution placé à l’arrière de ses moteurs en V. Il est vrai que celui de première génération ne faisait pas dans la sobriété de composants : 4 chaînes (une par rangée de cylindres, une intermédiaire et une pour les accessoires), plus une courroie crantée en prise sur l’avant d’un arbre à cames, l’arbre à cames d’échappement de chaque culasse étant entraîné par une paire de pignons, dont un en ciseaux pour compenser le jeu des dentures.
Le système avait été considérablement simplifié sur le 3.0 V6 TDI de seconde génération avec seulement 2 chaînes, ce qui avait permis de gagner 4 kg et diminué sa largeur de 50%: une première chaîne reliait l’arbre à cames d’admission de chaque rangée de cylindres au vilebrequin alors qu’une seconde entraînait un arbre d’équilibrage et la pompe haute pression du système d’injection. La pompe à huile était toujours entraînée par un arbre traversant le bloc pour prendre le couple sur la chaîne d’accessoires.
Audi a donc remis en cause une nouvelle fois son montage sur cette troisième génération. Deux critiques semblent avoir été formulées : les 2 pignons recevant la chaîne trop encombrants sur les culasses et l’ajout d’un arbre devant traverser le bas moteur. Le rapport de démultiplication de 2 nécessaire entre le vilebrequin et les arbres à cames est toujours assuré par un grand pignon récepteur de chaîne, mais il n’entraîne pas directement un arbre à cames : il est disposé plus bas, coaxial et solidaire d’un pignon s’engrenant sur celui de l’arbre à cames d’admission, ce qui facilite l’installation des catalyseurs. La pompe à huile est maintenant en prise avec une chaîne à l'avant du vilebrequin. Les chaînes sont prévues pour la durée de vie du moteur, cette durée de vie dite « de conception » étant de 300'000 km.
La pompe à eau, toujours mécanique, est entraînée par la courroie poly-V des auxiliaires, à l’avant du moteur.
3.0 V6 TDI biturbo
Une nouvelle version à turbosuralimentation séquentielle à deux étages est disponible depuis août 2014 sur l’Audi A7 Sportback 3.0 TDI Competition. Par rapport à la version actuelle à double turbo, des modifications apportées au système de suralimentation et aux arbres à cames apportent 5 kW (7 ch) pour atteindre une puissance maximale de 240 kW (326 ch). Lorsque le conducteur écrase la pédale d’accélérateur à fond (« kickdown ») le moteur donne 15 kW (20 ch) supplémentaires pendant un court instant. Le couple maximum est de 650 Nm dans une plage comprise entre 1400 et 2800 tr/min.
Le système de suralimentation est fourni par Honeywell turbo technologies. À bas régimes, le by-pass d’échappement est fermé, le turbocompresseur haute pression (HP) à géométrie variable fournissant l’essentiel du travail et celui à basse pression (BP) assurant une pré-compression. À partir de 2500 tr/min environ (selon la charge), le by-pass de turbine HP commence à s’ouvrir et le travail de compression passe progressivement du turbo HP à celui basse pression. Le clapet de délestage du compresseur HP s’ouvre progressivement selon la montée en pression. A partir de 3500 - 4000 tr/min, ce clapet est totalement ouvert et seul le gros turbocompresseur BP est en fonction.
Un volet piloté en extrémité d’échappement modifie la sonorité du moteur.
Parmi les nouveautés techniques, il est étonnant de ne pas encore trouver encore de pistons en acier chez Audi. Christian Eiglmeier : « Nous voyons leur emploi essentiellement pour réduire les frottements car les pistons en alliage d’aluminium supportent très bien des PME très élevées. Des développements sont en cours et des applications seront prochainement lancées ». En compétition, des pistons en acier ont été introduits à partir de 2009 sur le V10 5.5 TDI de l’Audi R15 TDI (440 kW, 600 ch, couple de plus de 1050 Nm.).
3.0 V6 TDI avec compresseur électrique - 1/2
Le moteur de l’Audi R18 e-tron quattro des dernières 24 Heures du Mans n’a qu’un seul turbocompresseur qui, comme déjà mentionné, fournit jusqu’à 4 bars de pression absolue. Cependant, un moteur de course ne fonctionne quasiment qu’en pleine charge alors que ceux des voitures de série doivent développer un couple important sur une plage de régime plus large et être facilement maîtrisable à très bas régime pour permettre un lancement progressif du véhicule en combinaison avec la transmission. Déjà présenté brièvement il y a maintenant 2 ans (actualité du 17 octobre 2012), le compresseur électrique en complément d’un ou de deux turbocompresseurs est l’une des innovations actuellement travaillées par des ingénieurs Audi.
Le constructeur a réalisé deux études techniques avec compresseur électrique : un 3.0 TDI monoturbo monté sur une Audi A6 TDI concept et un 3.0 TDI biturbo installé sur une Audi RS 5 TDI concept. En régime et charge stationnaires, le premier délivre 240 kW (326 ch) et un couple de 650 Nm disponible entre 1500 et 3500 tr/min alors que le second développe 283 kW (385 ch) et un couple maxi de 750 Nm dans la plage de 1250 à 2000 tr/min. Christian Eiglmeier : « Le compresseur électrique permet d’accroître le downspeeding en donnant la possibilité d’allonger la courbe de couple vers les bas régimes. Il permet aussi de fournir un débit d’air lors de certaines phases transitoires avant que le turbocompresseur n’atteigne un régime suffisant ».
Le compresseur électrique est situé en aval du refroidisseur d’air de suralimentation. Dans la plupart des états de fonctionnement, une vanne 3 voies permet à la charge d’air de le contourner. Son moteur, à réluctance variable afin de réduire son moment d’inertie, intervient au lancement du véhicule ou lors d’un enfoncement de pédale d’accélérateur si la masse d’air demandée par le moteur ne peut être fournie par le système de suralimentation principal. Le débit de ce compresseur électrique est cependant limité et son efficacité diminue avec la montée en régime.
3.0 V6 TDI avec compresseur électrique - 2/2
Nous avons présenté ce type de compresseur dans notre brève tech Les intérêts multiples du compresseur de suralimentation à entraînement électrique de Valeo.Le constructeur précise que lors des accélérations de 60 à 120 km/h en sixième, 8,3 s. sont nécessaires au lieu de 13,7 s. pour un modèle équivalent sans ce composant.
Le compresseur électrique étant très énergivore, il n’est envisageable qu’avec une architecture électrique qui récupère l’énergie cinétique. Une hybridation légère est cependant suffisante pour cet équipement, disponible en 12, 24 et 48 volt ; Audi a choisi ce dernier voltage. Christian Eiglmeier nous précise encore : « Nous avons testé les versions. Le modèle 48 V a été jugé comme le seul répondant au besoin de nos moteurs. C’est aussi le meilleur choix en termes d’émissions de CO2. Il sera intégré dans notre future plateforme qui prévoit un réseau 48 V ». Appelée MLB EVO, cette nouvelle plateforme sera lancée en 2016 mais le compresseur électrique ne devrait pas être commercialisé avant 2017 ou 2018.
Les deux prototypes actuels ne sont pas hybrides – les développements de ce compresseur et de la partie hybride étant pour le moment séparés – l’énergie sous 48 V est fournie par un alternateur 12 V (de grande puissance) et un convertisseur DC/DC.
Quel est l’intérêt du système s’il ne peut être employé qu’avec un hybride alors que celui-ci pourrait apporter facilement un couple supplémentaire avec un moteur électrique ? L’ingénieur nous répond : « Un compresseur électrique permet d’accroître la puissance en donnant plus d’air au diesel ». Le réseau 48 V servira également d’autres gros consommateurs tels un compresseur de climatisation ou des actionneurs de châssis.
Le compresseur développe 7 kW et son fonctionnement nécessite une batterie de 10 Ah minimum (480 W). La pression d’admission maximale est atteinte en 250 millisecondes alors qu’elle le serait en 2 ou 3 secondes sans cet équipement (dans le pire des cas !).
Lors des essais des deux prototypes, la puissance phénoménale disponible à tous les régimes et bien maîtrisée par la transmission quattro a déjà été une première surprise. L’apport du compresseur électrique est évident à l’accélération à très bas régime car le couple arrive aussi vite qu’avec un moteur atmosphérique. Ensuite, son intervention devient de moins en moins perceptible à chaque coup d’accélérateur au fur et à mesure que le régime monte car son débit est insuffisant. Dans les hauts régimes, la sensation est celle d’un moteur turbosuralimenté conventionnel et avec la même progressivité — mais pas de délai de réponse particulièrement gênant.