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26/10/2025

Histoire d’un succès pédagogique et technique : les 40 ans du projet MicroJoule

Philippe Maindru entouré de la promotion 92-93 qui a battu pour la première fois Honda


Leur aventure technologique est belle, celle pédagogique l'est peut-être encore plus. En 1984, des professeurs du lycée de la Joliverie près de Nantes décident de participer au challenge Shell Eco-marathon, valorisant les très faibles consommations d’essence. Au cours de quatre décennies, l’équipe a remporté 56 victoires, battu 12 records du monde, détenant toujours le titre avec 3 794 km parcourus avec un seul litre d'essence. Tout cela en synergie parfaite entre professeurs et élèves.

 

Ce 18 octobre 2025, le lycée de la Joliverie a réuni plus de 300 personnes pour fêter les 40 ans du projet MicroJoule, un véhicule prototype destiné à promouvoir la décarbonation de la mobilité. Quarante promotions d’étudiants, des enseignants, des partenaires et d’anciens chefs d'établissement se sont ainsi retrouvés autour des 5 générations de MicroJoule, ainsi que des PolyJoule et CityJoule développés en partenariat avec Polytech Nantes.

L’aventure lancée en 1984 par Philippe Maindru et Gilles Desquilbet a remporté l’épreuve dès la saison suivante avec une consommation équivalente à 400 km/litre, enregistrant son premier record du monde. Les progrès sont fulgurants année après année : 1 136 km/l en 1988, 1 620 km/l en 1990, 2 690 km/l en 1992, 3 482 km/l en 1999, 3 794 km/l en 2003, record jamais battu depuis en raison d’un changement de règlement. La promotion 92-93 se permet de battre pour la première fois le constructeur Honda et celle de 98-99 gagne devant Honda, Mazda et Peugeot. Durant ces quatre décennies, l’équipe a remporté 56 victoires, dont 30 au Shell Eco-marathon sur 33 participations.

Les évolutions technologiques et les innovations ont été nombreuses : monocylindre essence 30 et 50 cm3, piston sans segment (Delwest) avec chemise en céramique (1994), coque en fibres de carbone (1998), aérodynamique testée en soufflerie avec un de Cx < 0,1 (2016), utilisation du logiciel CATIA (1999). Le lycée dispose désormais de 15 bancs spécifiques de tests de moteurs et de pneus. L’équipe a également participé au challenge avec des moteurs au BioGNV (2016) et un partenariat avec Polytech Nantes depuis 2005 permet de concourir en catégories électrique et pile à combustible. Son nouveau challenge : la combustion d’hydrogène.
 

Monocylindre à haut rendement

 

Des élèves en acquisition d'expériences multiples

 

MicroJoule, PolyJoule et CityJoule


Dès le départ du projet, la pédagogie a représenté une composante majeure de cette aventure technologique et humaine. « Au début de l’aventure, nous avions dans le programme scolaire du BTS MCI une centaine d’heures proposant différents thèmes d’étude. La moitié de la classe choisissait le projet MicroJoule, nécessitant également une participation à une soirée par semaine hors scolarité. Désormais, à la suite de la réforme vers le MTE, certains projets correspondent aux besoins de la formation, monopolisant un quart des étudiants dans le domaine de la cartographie, le reste du travail étant réalisé tous les jeudis soir entre 20 h et minuit, toujours hors programme scolaire et hors évaluations. Professeurs bénévoles et 20 à 30 jeunes volontaires se retrouvent ainsi pour développer des évolutions technologiques » explique Philippe Maindru. Lors de la compétition annuelle, les cours sont suspendus pendant une dizaine de jours.
 
Cette activité proposée par La Joliverie démontre que la formation des élèves ne se limite pas aux programmes scolaires. « Durant les cours les élèves sont seuls, alors que lorsqu’ils intègrent le projet MicroJoule, ils forment une équipe et leur environnement évolue. Parfois des élèves en difficultés scolaires se révèlent et suscitent l’estime, d’autres découvrent l’importance de la communication et du « travailler ensemble ». Des changements de regards entre eux s’opèrent » relate Philippe Maindru, comme si ce chemin d’apprentissage avait plus de valeur que le résultat de la compétition.

« Les jeunes ont en plus des expériences valorisantes à raconter à leurs parents et leurs copains, plutôt qu’un banal résultat de math » ajoute Philippe Maindru. Il est vrai que des promotions ont approché des Présidents de la République, côtoyé des pilotes de Formule 1, participé à l’Exposition internationale en Corée du Sud, roulé sur des circuits emblématiques, etc. « Des élèves ont acquis de l'assurance et découvert qu'ils pouvaient avoir des ambitions ».

Ces jeunes sont ensuite partis en quête d'un premier travail, avec déjà dans leur petite valise une expérience riche, montrant aux recruteurs qu’ils étaient motivés, qu’ils ne comptaient pas leurs heures lorsque cela est nécessaire et qu’ils savaient travailler dans le respect mutuel.

Aujourd’hui, l’équipe MicroJoule est menée par Michael Fardeau et quelques autres professeurs, tels Cyprien Hazard, Bertrand Chretien et Philippe Messager. Philippe Maindru est toujours présent pour partager sa passion avec les élèves, génération après génération. De l’aventure MicroJoule, Georges Charpack, prix Nobel de physique, avait dit en 1999 : « Vous avez des enfants qui ont la chance de faire leurs études là où il y a ces professeurs inventifs […] Dans les lycées, dans les collèges, il faut un enseignement qui soit comme celui-là. »


    Yvonnick Gazeau